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mardi 25 juillet 2017

Du psy paratonnerre au psy catalyseur Il n’y à qu’un pas

(projet - collectif de Georges Botet Pradeilles)

Cette année j’ai « pris » la foudre, deux fois. Pas au sens propre, bien entendu. Au sens figuré. J’ai été foudroyée deux fois le même jour et au même endroit : dans ma cuisine.
Et j’en garde des séquelles physiques : une sale contracture dans l’épaule droite avec névralgie cervico-brachiale. Mon corps somatise, oubliant le registre du symbolique : ça fait mal ! Ah si Lacan était là, et pouvait m’aider à délier ce nœud borroméen … ou musculaire !
Bref, forcément ça m’interroge. La répétition. C’était en mars, un vendredi, journée sans patient et en principe journée de récupération, de ressourcement.
A deux reprises des femmes de mon entourage proche ont fait irruption dans cette cuisine pour déverser sur moi des propos d’une rare violence, virulence.
Cela ne m’était jamais arrivé auparavant (au paravent ?), a fortiori un « doublon » non plus...
Tient ça me fait penser à « la Gloire de mon Père » quand Marcel (Pagnol) décrit le coup du roi « doublé » des bartavelles :
« Il les a tuées ! Toutes les deux ! Il les a tuées ! »
Et dans mes petits poings sanglants d’où pendaient quatre ailes dorées, je haussais vers le ciel la gloire de mon père en face du soleil couchant.

Car c’est bien de ça dont il s’agit. De sang et de mort. Le sang de qui ? Pas celui de Marcel, ni le mien d’ailleurs. Même si ça fait mal, ce n’est pas moi qui suis tuée.
Avec le temps j’ai fini par admettre que c’étaient elles. Les bartavelles. Ces femmes en souffrance, désespérées au point de franchir les limites de la bienséance. De hausser le ton, de s’agiter, d’accuser … de déverser.
Mais alors pourquoi me suis-je trouvée comme Marcel avec du sang sur les mains ? Qu’est-ce que je suis allée ramasser ?
De quel crime que je n’ai-je commis ? Et bien peut-être simplement celui d’être ce que je suis. Une femme, encore jeune, psychanalyste, en couple, mère de trois enfants et libre. C’est bien de cette liberté dont il s’agit. Celle de l’analyste.
Celle qui peut faire souffrir l’autre-enfermé, prisonnier, souffrant, malade, blessé.
Fière de ma trouvaille me voilà partie la débattre avec mes pairs. Pascale, une amie thérapeute installée à Chambéry m’a finalement proposé un autre point de vue, le sien.
Peut-être plus positif (mais c’est vrai qu’elle n’est pas psychanalyste ! et encore moins Lacanienne !) que celui de paratonnerre, qui attire les foudres.
Elle parle dans son approche thérapeutique de « catalyseur ».
Me voilà bien, moi qui avais 4/20 de moyenne en physique-chimie en classe de 2nde … je vois bien le paratonnerre, mais alors la catalyse … vaguement …
Et voilà ce que j’ai trouvé dans le dictionnaire :
« Substance qui augmente la vitesse d'une réaction chimique sans paraître participer à cette réaction. Élément qui provoque une réaction par sa seule présence ou par son intervention. »
Mais c’est bien ça ! Ma seule présence aurait provoqué une réaction en chaîne (enchaine ?). Très bien, mais pourquoi ? Et bien toujours d’après mon amie Pascale, nous sommes chacun porteur d’une histoire, qui nous traverse … et qui vient chatouiller l’autre …
Tiens, à nouveau je pense à Lacan … dans son 2ème séminaire « La guérison qu’est ce que c’est ? La réalisation du sujet par une parole qui vient d’ailleurs et le traverse ».
Alors oui, je crois que ces femmes « hystérisées » (par moi ?) m’ont aidé. A guérir probablement. En tout cas à me positionner, mettre des limites. Prendre conscience de la nécessité d’un cadre et de la responsabilité de chacun à faire respecter ce cadre.
Je suis responsable de l’image que je renvoie à l’autre, j’assume cette liberté qui parfois est insupportable pour l’autre. Cette éthique analytique qui me fait dire ou me taire mais qui m’empêche d’être neutre. Et donc de neutraliser. Non, le psychanalyste dans la cité n’est pas neutre. Il s’engage et fait réagir. Au risque de la foudre.
Mais aujourd’hui je crois pouvoir dire qu’enfin, au moins dans ma cuisine, la foudre ne me tombera plus dessus.



Versols, le 25 juillet 2017