(in Le psychanalyste dans la cité - collectif de Georges Botet Pradeilles)
Chaque
hiver j’accompagne mes enfants à l’école de ski. Ce jour là,
Jacqueline 60 ans, avait une barbe de 3 jours et s’appelait
Nicolas. Jeune moniteur ESF plutôt séduisant il a tout de suite
conquis toute la famille, maman comprise :
Lui : vous ne skiez pas avec vos enfants ?
Moi : non, j’ai arrêté il y a bientôt 10 ans avec l’arrivée de mon
2ème
- ah bon … et pourquoi ?
- plus d’envie : ni désir, ni plaisir. Pourtant j’ai fait un peu de compétition, ramené des coupes, passé le 1er niveau d’encadrement … mais je m’ennuie sur des skis …
- oui, je comprends !
- ah bon … ?!
- plusieurs de mes collègues moniteur ne skient plus non plus …
- … et pourquoi ?
- plus d’envie : ni désir, ni plaisir … je crois que c’est normal, ça arrive parfois.
- ah bon … merci, vraiment, merci infiniment !
(j’ai
gardé pour moi le « je vous dois combien ? » qui me
venait à l’esprit !)
- avec plaisir … mais pourquoi ?
- vous êtes le 1er qui comprenne mon choix, qui l’accepte avec bienveillance, sans jugement : ça fait un bien fou !
Quelle
expérience ! Moi la psychanalyste de 45 ans me voilà apaisée
par un jeune moniteur de 25 ans qui pourrait … être mon fils !
Vous me direz, la valeur n’attend pas ... mais bon quand même !
Qu’est
ce qui s’est passé ce jour là ? Ma parole a été entendue …
par un presque « pair » … quelqu’un « du
métier », pas le métier de psychanalyste, non celui de
moniteur de ski …
Nous
avons partagé une expérience, vécue pour moi, entendue pour lui …
et nous avons échangé en vérité … sans se cacher, sans avoir
peur de l’un de l’autre. C’est bien cette posture que je
choisis chaque matin en ouvrant la porte à mon 1er
patient, 08h30 :
« Bonjour !
Entrez, installez-vous. Je vous écoute … »
Essayer
chaque jour d’entendre l’autre, de recueillir sa parole, parfois
de la faire naître.
« Et
je pense à cette phrase de Freud qui dit qu’il
fait plus clair dans le noir lorsque quelqu’un parle »
Oui,
car parfois je parle. Je prends la parole. Là, dans ce minuscule
théâtre de l’analyse. Ce n’est plus seulement l’acteur
principal qui parle. Dans ce huis clos, je fais entendre ma voix, une
2nde
voie ? Il me semble que si je pouvais je leur tendrais la main,
par-dessus le divan.
Et
alors, comme nous dit Irvin Yalom « je ne suis pas détaché,
neutre. Je m’engage avec le patient (…) je parle de ce que je
connais (…) il m’arrive même de me dévoiler ».
Alors
vive le ski, les jeunes moniteurs et cette qualité de parole et
d’écoute qui peut renaître à chaque fois. Même là où on
l’attend le moins …
Versols,
le 25 juillet 2017