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mardi 25 février 2014

CONFERENCE / agora citoyenne



L’écoute émotionnelle de la femme enceinte

Le psy, un invité surprise en périnatalité …

Mais que vient faire un psy au moment de la naissance ?
Il y a déjà tant de monde … la mère, le père, le gynéco, la sage-femme, l’échographe, le labo …
Et puis de quel psy s’agit-il ?
Il y a beaucoup de monde sous ce pseudo : psychiatre, pédopsychiatre, psychologue, psychanalyste, psychothérapeute …
Etre psychanalyste spécialisé en périnatalité … qu’est ce que cela veut dire ?
A la fois être psychanalyste & avoir un diplôme universitaire de 3ème cycle en psycho périnatalité de la faculté de médecine de Montpellier.
Plus on avance dans la précision et l’information, plus cela parait complexe…
Un ou une psychanalyste est une personne qui a d’abord été patient d’un psychanalyste c'est-à-dire analysant d’un analyste. Le psychanalyste fait d’abord une analyse avant d’être ou de devenir psychanalyste.
Cette analyse ou psychanalyse dure longtemps, une dizaine d’année en moyenne, on parle de cure analytique.
Dès lors un médecin, un psychiatre, un pédopsychiatre, un psychologue, ou tout autre personne peut devenir psychanalyste : s’il le souhaite, si tel en est son désir … le désir de devenir psychanalyste.
La psychanalyse a d’abord été théorisée par Freud puis par d’autres, comme Lacan ou Dolto en France.
Difficile de qualifier la psychanalyse de méthode, de thérapie, d’outil, de philosophie … c’est un peu la guerre dans la qualification : ne nous y perdons pas !
Retenons quelques critères différenciant de la psychanalyse : l’écoute de l’inconscient à travers les « signes » ou « signifiant » qu’il adresse au sujet.
Nous y trouvons les rêves, les lapsus, les actes manqués, mais aussi les mots que nous choisissons pour nous dire et qui signifient au-delà de nos dires.
Le psychanalyste écoute ces mots, une écoute flottante qui va au-delà des mots, il s’accroche à la rampe du symbolique pour tenter de saisir le signifiant.
Il navigue entre les énoncés et les énonciations …
Il peut parfois renvoyer au patient ce qu’il a entendu, on parlera alors d’interprétation de type analytique.
Mais que vient faire ce psychanalyste autour de la naissance ?
Il vient d’abord écouter les dire de la mère ou du père ou des 2 …
Il arrive qu’une femme enceinte ressente le besoin de parler, d’exprimer des difficultés, de mettre des mots sur une angoisse, une souffrance ou un symptôme.
La grossesse est un moment de grand changement pour la femme d’abord et le couple ensuite.
C’est dans le corps de la femme que grandit l’enfant, c’est par le sexe de la femme que nait l’enfant, c’est au sein de la femme que tête l’enfant.
Il y a un corps à corps entre la femme et l’enfant … même si l’accouchement ne se fait pas par voie basse mais par césarienne, même si l’allaitement ne se fait pas au sein mais au biberon il reste le corps à corps primordial, premier : le démarrage de la vie.
C’est en général dans le corps de la mère que l’enfant est conçu même si cela change aujourd’hui avec la procréation médicalement assistée …
Pour l’instant rien ne remplace les quelques mois de gestation … même s’ils peuvent être « raccourcit » par une prise en charge de plus en plus précoce de l’enfant prématuré, on ne peut pas en faire l’économie.
La grossesse semble incontournable aujourd’hui pour faire naître un enfant …
Or cet état de grossesse est un immense changement dans la vie d’une femme, dans le corps d’une femme. Il s’agit à la fois de faire la place à l’enfant dans son corps et dans sa tête (on pourrait dire aussi dans son cœur) mais également de faire place à la mère dans le corps, la tête et aussi le cœur de la femme.
On saisit alors que cela va soulever différents problèmes ou différentes problématiques : entre autres une problématique de la place …
Quelle place la femme va faire à la mère et quelle place la mère va faire à l’enfant ?
Une femme peut-elle faire une place à son enfant sans d’abord faire une place en elle à la mère c'est-à-dire à elle-même entant que mère …
Cela renvoie à la perception qu’elle-même a, de ses différentes places … de son expérience et de son vécu jusque là …
Or chaque femme a fait une expérience singulière de cette relation entre la femme, la mère et l’enfant. Puisque chaque femme a d’abord été l’enfant de la mère, l’enfant de la femme.
La grossesse vient remettre sur le tapis une vieille expérience, une vieille histoire. L’histoire de chaque homme, de chaque femme.
Or chaque histoire est différente, singulière, unique comme le sera chaque grossesse.
Aujourd’hui la grossesse est devenue une expérience de vie qui n’est plus aussi dangereuse qu’autrefois, pour la mère et pour l’enfant.
Sans écarter totalement tous les risques nous pouvons dire qu’il ne s’agit plus d’une question de vie ou de mort …
Et pourtant … pourtant l’angoisse est bel est bien là souvent … pour ne pas dire très souvent.
La grossesse vient reposer cette question de la vie et de la mort dans un contexte particulier celui de « donner la vie » ou de « donner naissance ».
Quelle drôle d’expression que de « donner la vie » ou de « donner naissance » … quelle drôle de chose que de « donner la vie » ou de « donner naissance » …
La question de la « responsabilité » se pose alors … responsabilité de la vie, responsabilité de la naissance …
A qui incombe-t’elle ? À la mère ? À la mère et au père ? À l’équipe médicale de suivi de grossesse, de suivi d’accouchement ?
Le poids est considérable, à la fois pour la mère, pour le père mais aussi pour les professionnels de santé.
Alors parfois, la mère a peur, face à ce poids, face à cette responsabilité.
Ce n’est pas simple d’attendre un enfant … c’est étrange d’être enceinte …
Les peurs de la mère peuvent être multiples : peur d’être enceinte, de voir son corps se transformer, de sentir son enfant vivre et bouger en elle
Peur de l’accouchement, de la douleur, du passage, peur des contractions, peur de la péridurale
Mais aussi peur de l’allaitement.
Souvent derrière ces peurs il y a une peur unique celle de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur … de ne pas être une mère à la hauteur …
Mais à la hauteur de quoi, de qui ? De quelle représentation a priori ?
Quel fantasme se cache derrière cette peur ? le fantasme de la mère idéale, la bonne mère ou le fantasme de l’enfant idéal … parfois les deux à la fois …
La peur peut devenir une angoisse quand la mère n’arrive plus à se rassurer par elle-même, quand l’attente est trop grande ou trop éloignée de la réalité.
Cette expérience mystérieuse de la grossesse peut être traversé accompagné …
Les professionnels de santé gynécologue ou sage femme qui accompagnent la mère dans la grossesse vont rassurer la mère … jusqu’à un certain point.
Ils vont faire « bord » à l’angoisse de la mère, ils vont la sécuriser au moins d’un point de vue médical.
Mais cette angoisse de la mère peut déborder et faire symptôme pendant la grossesse.
Il existe différents symptômes associés à la grossesse : difficulté à dormir, à s’alimenter, à se reposer, à se détendre, à terminer sa grossesse, à garder son enfant en elle jusqu’au terme …
Quand ces symptômes envahissent la grossesse alors la mère peut ressentir de la souffrance psychologique qui peut se traduire par une souffrance corporelle.
Dès lors le gynécologue, le médecin ou la sage femme peuvent proposer à la mère un soutien psychologique pendant la grossesse.
Une souffrance ne peut pas se vivre entièrement seul …
Il s’agit d’ouvrir un espace de parole pour la mère chez un « psy », pour permettre à la mère de mettre des mots, et non pas des maux, sur sa souffrance, sur son angoisse, sur sa peur.
Le travail du psychanalyste en périnatalité peut commencer là …
Comme il peut aussi commencer avant la grossesse, au moment du désir d’enfant si ce désir d’enfant pose problème : par exemple une difficulté à procréer sans cause médicale identifiée.
Un travail autour de la parole va alors commencer pour la mère. Elle va venir déposer dans l’espace thérapeutique et analytique, ses dires de souffrance et de peur. Elle va visiter avec des mots l’histoire de sa grossesse, l’histoire de ses ressentis associés à sa grossesse.
Le travail du psychanalyste va consister à étayer ou contenir cette mère par l’accueil bienveillant de sa parole.
L’écoute du psychanalyste se situe dans la bienveillance et hors jugement.
Ni jugement de valeur, ni jugement normatif pour que la mère puisse s’autoriser à se dire en confiance.
Dès lors la femme va pouvoir vivre cette expérience mystérieuse de la grossesse, cette étrangeté d’être femme enceinte, en compagnie d’un « autre » qui va lui permettre de « s’authentifier » : « c’est bien moi, c’est bien mon enfant »
La psychanalyse fait l’hypothèse de l’inconscient, ce qui nous arrive, ce que nous ressentons, ce que nous décidons ou choisissons n’est pas uniquement lié à ce dont nous avons conscience. Un certain nombre de choses de nous, nous échappent.
La grossesse est un moment de changement, y compris sur le plan émotionnel et psychique. Pendant la grossesse la femme traverse un état psychique particulier.
On peut parler de transparence psychique ou de porosité provisoire des frontières psychiques.
La femme enceinte peut avoir accès ou être confrontée d’une certaine manière à des « remontées » de son inconscient.
Il s’agit d’émanation de l’inconscient qui passent … qui échappent … quelque chose ne filtre plus, une défense ou une protection est tombée …
Parfois la femme ne se reconnait plus dans la mère … cette étrangeté d’être enceinte peut provoquer chez la femme une étrangeté à elle-même.
C’est un moment de risque potentiel de désorganisation psychique chez certaines mères vulnérables ou fragiles. L’écoute précoce de la femme enceinte peut permettre de prévenir ce risque.
L’écoute bienveillante de la parole de la femme enceinte peut lui permettre de se sentir rassurée, étayée.
La mère pourra porter son enfant plus sereinement en étant elle-même portée par cette écoute bienfaisante.
Il ne s’agit pas de faire s’allonger systématiquement les mères sur le divan du psychanalyste pour entamer une cure analytique, mais d’ouvrir un espace nouveau, plus rapproché entre la mère et l’analyste.
Ouvrir un espace de confiance autour de la parole qui durera le temps de la grossesse et un peu après la naissance si la mère en a le désir.
« c’est dur, c’est juste, mais ça passe » dit le guide de haute montagne … effectivement la grossesse a un début & une fin …
Cette parole de la mère déposée chez le psychanalyste ne va plus venir envahir l’espace de la grossesse sous forme d’angoisses massives.
Souvent la mère exprime des ambivalences dans son désir : j’ai envie d’avoir un enfant, mais j’ai peur d’avoir un enfant …
Ces envies en apparence paradoxales font parties des doutes qui peuvent traverser la femme pendant sa grossesse.
Le travail du psychanalyste est alors un travail en direct avec la mère mais en liaison avec les autres professionnels de la périnatalité. Il est important que la mère puisse s’appuyer sur des professionnels qui se font confiance et qui travaillent en réseau dans le respect de la parole déposée. Cette confiance participe également à rassurer la mère & construire autour d’elle un étayage sécurisant.
Le travail du psychanalyste peut aussi se faire en indirect c'est-à-dire sans rencontre avec la mère. Dans ce cas c’est le professionnel de santé qui dispose d’un espace de parole sécurisant pour lui permettre ensuite de sécuriser la mère. Cela peut prendre la forme de supervision de pratique, de régulation d’équipe ou de reprise de cas.

Et le bonheur dans tout ça ?

La tentation est grande d’associer naissance et bonheur.
Il s’agira pour moi dans ce 2ème temps de poser un certain nombre de questions visant à ouvrir un débat, un échange
Est-ce que le bonheur est à atteindre et à quel prix ?
Cette quête en apparence très légitime peut vite devenir une sorte d’aliénation à un idéal.
La naissance n’échappe pas à la règle, chaque femme, chaque mère désirant vivre une grossesse heureuse, une naissance dans le bonheur.
Des lors chaque obstacle à ce bonheur peut devenir une épreuve pour la future mère. Quand la grossesse tarde à arriver, quand la grossesse se déroule difficilement la mère peut vivre un sentiment d’échec, d’impuissance, de grande frustration.
L’approche comportementaliste viserait à enlever les obstacles pour permettre d’accéder au bonheur … changer le quotidien, trouver une solution aux difficultés pour enfin être heureux.
L’approche analytique tend à interroger ce désir de bonheur, cet impératif à être heureux, cette représentation idéale de ce qu’il faut vivre, atteindre.
Souvent l’angoisse de la mère vient buter sur le normatif : grossesse normale, accouchement normal, couple normal, sexualité normale … dès lors dès que la future mère se « jugera » hors norme par rapport à la représentation qu’elle a de cette norme elle se sentira en échec, en dessous d’un bonheur à atteindre
L’accompagnement médical de la grossesse peut renvoyer à la mère du normatif : échographie normale, examen normal, courbe de croissance du fœtus normale, et même un bébé normal …
Mais ce qui peut être utile au niveau médical peut devenir angoissant au niveau psychologique.
Certaines mères vivent les examens de contrôle médical durant la grossesse comme anxiogènes … que va-t’il se passer ? est-ce que tout va être normal ?
Un travail d’accompagnement autour de la parole peut venir interroger ces repères normatifs, ces normes …
L’approche analytique s’appuie sur la singularité de la personne & non sur des repères normatifs sociétaux
Chaque femme est unique, chaque grossesse est unique, chaque naissance est singulière …
Le travail de la future mère en thérapie consistera à se réapproprier cette singularité
L’écoute bienveillante et hors jugement du thérapeute fera écho : une mère écoutée en bienveillance pourra plus facilement s’accueillir en bienveillance, hors jugement
Bien souvent une simple parole bienveillante du thérapeute viendra rassurer la mère, par exemple : « il n’y a pas de mère idéale, vous êtes la mère qu’il faut à votre enfant »
Chaque mère vient déposer sa propre angoisse, ses propres doutes, ses peurs, ses frustrations, ses colères.
La plupart des mères espèrent, désirent être une bonne mère pour leur enfant … dès lors quand la femme est confrontée à la réalité de la grossesse, de l’accouchement et de la maternité en général elle n’est plus dans le rêve, l’imaginaire, le fantasme …
Le décalage peut s’avérer douloureux, décevant, angoissant, frustrant … cela ne se passe pas toujours comme la mère l’avait imaginé, rêvé, fantasmé, idéalisé …
C’est souvent plus difficile, plus lourd, plus fatiguant … alors la femme culpabilise : suis-je normale ? suis-je comme les autres ? suis-je à la hauteur ? vais-je y arriver ?
Mais qu’est-ce qu’être une mère normale ? comment sait-on comment sont les autres mères ? et puis être à la hauteur de quoi ? de qui ?

Depuis quand la grossesse est-elle rêvée, imaginée par la mère même inconsciemment ?
Probablement depuis toujours, même si cette représentation est refoulée …
« Quand je serai enceinte je serai comme ça », « je ferai comme ça » …
« Quand je serai mère je ne serai pas comme ça », « je ne ferai pas comme ça » ?
La future mère se « réfère à » … à quelqu’un, à une image, un repère…
Cette projection, ce rêve, ce désir sont nécessaires pour devenir mère mais parfois enfermant, aliénant …
Quand la projection est trop carrée, trop pointue, trop fermée, alors la femme peut avoir du mal à se vivre mère telle qu’elle est, elle …
L’approche analytique peut aider une femme à s’autoriser mère telle qu’elle est, à s’accueillir mère dans sa propre réalité de mère.
Avec ses limites, ses failles, ses manques … heureusement que la mère n’est pas comblante pour son enfant, même si elle en a envie, très fort.
Elle laisse ainsi de la place à son enfant, elle n’est pas toute puissante, dévorante pour lui.
Cela permet à l’enfant d’exister, de désir, de se singulariser, de trouver sa place distincte de celle de la mère …
« Une mère suffisamment bonne » nous dit la psychanalyse … encore faut-il l’avoir entendu, l’avoir penser pour pouvoir l’expérimenter …
Encore faut-il s’autoriser à être soi sans ce regard sur soi qui juge, qui exige …
Ce regard vient de loin, souvent de l’enfance …

Le tout petit enfant qui vient au monde a beaucoup de besoins, de désirs impérieux, d’urgences … il dépend de ceux qui l’entourent …
Sa survie est assurée par l’autre, la plupart du temps sa mère.
Compte tenu de la « prématurité » et de l’impuissance du nouveau né, l’autre est primordial : il ne peut se nourrir seul, se déplacer seul, il ne peut assurer aucun de ses besoins fondamentaux seul … il est entièrement dépendant de l’autre
il réclame, parfois à grand cri, et son cri entraine la réponse de la mère, qui interprète le besoin de son enfant
la mère, ce 1er autre, lui prête ce que l’on peut appeler une « intension de signification » : le pleur du nouveau né n’est plus un cri mais un appel …
Cet appel a un sens pour la mère : il cri, il pleure, c’est qu’il a besoin de quelque chose … il m’appelle …
La mère va différencier les cris, les appels et y associer des besoins de son enfant : il a faim, il a froid, il a peur, il a mal, il a sommeil …
dès lors l’interaction avec la mère commence en dehors du corps à corps …
Va se poser immédiatement la question de la place de chacun, la question de la limite, de la frustration …
A la fois pour l’enfant et pour la mère … le lien se tisse entre plein et vide entre demande et réponse entre frustration et satisfaction.
Ce n’est pas toujours simple pour une mère de vivre tranquillement la frustration de son enfant … cela peut la renvoyer à sa propre frustration, à sa propre relation à la frustration et à la toute puissance …

Dès la grossesse la question de la place se pose entre la mère et l’enfant.
Pouvoir ouvrir un espace de parole où ces questions sont posées, déposées & pensées peut permettre à la mère un soulagement.
Elle qui n’osait pas en parler, qui n’osait pas avouer ses difficultés à faire la place, qui culpabilisait de se sentir mangée, envahit, …
Alors oui le bonheur est possible pendant la grossesse, si la mère n’est pas en lutte permanente avec elle-même, contre elle-même, prise dans ses projections …
Mais il s’agit rarement de 9 mois de bonheur, de plénitude …
Quelle drôle d’idée ? pourquoi cette période dans la vie d’une femme serait particulièrement simple, facile, sereine ?
Parce que c’est écrit dans les magasines ? ou parce que c’est écrit dans nos têtes ?
C’est beau une femme enceinte … c’est naturel d’allaiter … c’est beau de donner la vie …
Autant de projections qui parfois font mal à des femmes qui ne se sentent pas belle enceinte, qui ne désirent pas vraiment allaiter, ou qui redoutent l’accouchement …
Oui une femme enceinte peut se sentir belle, mais si ce n’est pas le cas on fait quoi ? on lui dit quoi ?
Des retours positifs peuvent ne pas suffire à la rassurer, à la sécuriser …
Lui permettre de venir se plaindre au sens de déposer sa plainte, ses larmes, ses déceptions et soutenir cette plainte du côté de l’analyste, est un chemin d’accompagnement …
Entendre la réalité de sa souffrance peut lui permettre de traverser sa souffrance.
Chaque plainte est légitime, chaque femme a de bonnes raisons de se plaindre : les siennes !
Ces raisons sont parfois incompréhensibles pour l’entourage «  tu n’as pas de raison d’aller mal, tu as tout pour être heureuse, tu es enceinte c’est un vrai bonheur »
face à ces dires que la femme ressent comme étrangers, elle peut se taire et se sentir elle-même comme étrangère, à l’autre, à elle-même.
L’espace analytique peut alors devenir un espace d’expression libre, sans entrave, sans peur.
Un lieu d’exploration où la femme pourra aller à la rencontre d’elle-même.
Mettre des mots sur son propre sentiment d’étrangeté …
Dès lors elle pourra s’accueillir en familiarité, s’approprier sa singularité
C’est souvent plus facile de s’ouvrir à soi même, d’aller à la rencontre de soi que de lutter contre nous même, de se fermer à ce que nous sommes, de s’interdire d’être …
Venir parler à un psy pendant sa grossesse, lui dire sa fatigue, ses peurs, oser parler, se livrer en confiance suffit parfois à se sentir en sécurité.

Elizabeth Badinter a soulevé un débat compliqué en parlant du conflit entre la femme et la mère et en dénonçant certains risques du maternage …
C’est un sujet sensible, complexe … qui a des conséquences jusque dans les cabinets de psychanalyse.
Faire un projet de naissance pour un accouchement respecté, ou une approche globale de la naissance peut avoir des répercussions sur le ressenti émotionnel de la mère.
Il y a ce que la femme souhaite, désire, prépare, demande, négocie mais aussi rêve, imagine, fantasme et puis il y a la réalité de la grossesse, de l’accouchement, de l’allaitement …
Les femmes sont de plus en plus conscientes de l’importance des premiers échanges, des premiers moments de vie …
La préparation à la naissance est de plus en plus investie, travaillée …
Le niveau d’exigence de la femme vis-à-vis d’elle-même et des professionnels de la naissance augmente …
Un accouchement sans violence, une naissance respectée, parfois même un projet d’accouchement physiologique ou à la maison
Cela bouge beaucoup du côté le la naissance, que ce soit chez les mères, chez les sage femmes, mais aussi dans les maternités.
Cette évolution positive nourrit beaucoup d’espoir chez les futures mères qui s’approprient leur accouchement, la naissance de leur enfant … la mère fait naître son enfant, elle n’est plus systématiquement accouchée par une sage femme, un gynécologue
Dès lors il y a un basculement de la responsabilité : la mère devient acteur de son accouchement, responsable de son accouchement, responsable de son allaitement avec le professionnel qui l’accompagne. C’est une sorte de coresponsabilité …
A condition que la femme ait conscience de cette coresponsabilité et accepte d’en assumer les conséquences
Cette évolution est positive, légitime, mais … il y a peut être un « mais » …
Quand les femmes ambitionnent un accouchement ou une grossesse toujours plus naturelles
Alors l’arrivée du « médical » fait intrusion … quand quelque chose ne se passe pas physiologiquement, l’intervention médicale est vécue violemment par la mère …
Un « vol » ou un « viol » diront certaines mères en souffrance …
Que se passe-t’il du côté de leur capacité à accepter la frustration, l’impuissance, la limite à la toute puissance … ?
Que se passe-t’il du côté de leur capacité à prendre leurs responsabilités …
La aussi un accompagnement est utile et nécessaire, il s’appui sur le récit de la grossesse, le récit de l’accouchement, le récit des premiers échanges …
Les questions de l’analyste permettront à la mère de se dire, de s’approprier ces moments même s’ils ont été mal vécu par elle …
Alors la mère s’appropriera son histoire, se réconciliera avec sa grossesse ou son accouchement, ou son allaitement … apprendra à s’aimer avec cela …

Et peut-être, être heureuse d’être mère, enfin.